What is identity? Is it innate, or is it imposed upon us? If imposed, by whom? Our parents? Our teachers? Our bosses? Our friends? These are not questions we often ask aloud, and they are even harder to answer.
Our appearance, at times, seems to dictate who we are. As primarily visual creatures, our brains are constantly fed by the aspirations of those around us and by our idols. We compare ourselves to those we perceive as superior, wondering if we share common traits. We identify with them through some invisible power, perhaps unconsciously desiring to be like them or at least to resemble them.
Expectations from others can sometimes be seen as an exercise of power. We hear parents or friends suggesting a particular outfit, claiming it suits us. As social animals, we tend to meet the expectations of those we trust, sometimes to please them, sometimes to avoid standing out. Conversely, we sometimes aspire to stand out, to be different. Ironically, even the most extraordinary outfits of the most niche subcultures look surprisingly similar when their wearers gather together in a concert or a nightclub.
These two paths of aspiration, though seemingly contradictory, often coexist within us. Much like smokers experiencing cognitive dissonance—the need to smoke and the equally strong desire to quit—many people waver between adopting a new standard or a more fashionable wardrobe piece.
These reflections surfaced during my visit to the exhibition of Swiss artist Manon (née Rosmarie Küng, born in 1946). The first week of summer 2024 saw the last week of the exhibition by Zurich artist Manon at MAMCO, a contemporary art museum in Geneva (coupled with the closing of the MAMCO itself). As the exhibition's notes explain, Manon " employed her body and her image as both the vectors and media for her work, using her carefully staged appearance to challenge notions of intimacy and voyeurism, modesty and pathos." It seems that Manon was already struggling with the cognitive puzzle of being torn between contradictory forces: the need to be seen and the need to remain invisible, the desire to be looked at and the desire to blend into the crowd (it goes without saying that at some point of her life before her appearances she happened to be a visitor of a psychiatric institution).
On a deeper level, Manon's work underscores a profound exploration of identity and appearance. Her carefully crafted characters encourage the viewer to consider the fluidity of identity. Are we merely the sum of our appearances, or is there something deeper, more elusive, that defines us? Manon's portraits, often theatrical and provocative, blur the lines between reality and performance, challenging the authenticity of identity in a society obsessed with appearances.
In certain cultures, the act of shaving one's head is a significant gesture, symbolizing a renunciation of vanity and a quest for spiritual purity. This practice is particularly prevalent in Buddhism, where monks and nuns shave their heads as a sign of their commitment to a life of simplicity and detachment from worldly desires. Shaving the head is also a practice aimed at combating the ego, to gain a deeper understanding of the illusory nature of appearance. This act of removing one's hair, often considered a key element of appearance, is a powerful way to reveal a more authentic self.
In the context of Manon's work, this idea of shedding layers to discover true identity resonates deeply. Her art pushes us to look beyond the surface, to question the social constructs of beauty and identity, particularly concerning a woman’s appearance, that we often take for granted. The debates around the representation of women in classical art, initiated by John Berger in 1971 in his famous show (later the book) Ways of Seeing, find an echo in Manon's work, which surfaced a few years later.
Parallel to Manon's exhibition, I discovered the archives of the magazine Clit007, a lesbian magazine published in Geneva between 1981 and 1986. Clit007 emerged in the years following Manon’s appearance and contained a surprising mix of old and new imagery, mostly of women, represented in strikingly different ways. The imagery in such publications as Clit007 can be seen as an instrument of power, bringing new visual and conceptual narratives to the table, thus creating a space for alternative expressions of identity. The photographs in Clit007 offer a radical reimagining of femininity and sexuality, pushing back against conventional portrayals and asserting a bold, unapologetic presence.
The work of La Dame au Crâne Rasé and the women that followed serves as a poignant reminder of the visual narratives surrounding female, and more generally, human identity. It encourages us to embrace our contradictions, to question the roles we play, and to find authenticity in a world that often values appearance over substance. As we navigate our own paths of self-discovery, Manon's art serves as a guide, illuminating the way toward a deeper understanding of who we are, who we aspire to be, and who we may become.
Qu'est-ce que l'identité ? Est-elle innée ou nous est-elle imposée ? Si elle nous est imposée, par qui ? Nos parents ? Nos enseignants ? Notre patron ? Nos amis ? La société ? Ce ne sont pas des questions que l'on pose souvent à voix haute, et encore moins des questions faciles à répondre.
Parfois, notre apparence peut dicter qui nous sommes. En tant que créatures principalement visuelles, notre cerveau est constamment nourri par les images de nos proches ou de nos idoles. Nous nous comparons à ceux que nous percevons comme supérieurs, nous demandant si nous partageons des points communs. Nous nous identifions à eux par une sorte de pouvoir invisible, désirant peut-être inconsciemment être comme eux, ou au moins leur ressembler.
Souvent, nous entendons les autres nous suggérer de porter certains vêtements ou d'adopter des styles spécifiques, affirmant qu'ils nous conviennent. En tant qu'animaux sociaux, nous avons tendance à répondre aux attentes de ceux en qui nous avons confiance pour nous intégrer, les satisfaire, éviter de nous démarquer. À l'inverse, nous aspirons parfois à nous démarquer, à être différents. Ironiquement, même les tenues les plus extraordinaires des sous-cultures les plus niches se ressemblent étonnamment lorsque leurs porteurs sont réunis.
Ces deux chemins d'aspiration, bien que contradictoires en apparence, coexistent souvent en nous. À l'instar des fumeurs éprouvant une dissonance cognitive — le besoin de fumer et le désir tout aussi fort d'arrêter — beaucoup de gens hésitent entre adopter un nouveau standard ou une pièce de garde-robe plus à la mode.
Ces réflexions se sont cristallisées pour moi lors d'une visite à l'exposition de l'artiste suisse Manon (née Rosmarie Küng). La première semaine de l'été 2024, l'artiste zurichoise Manon (née en 1946) a organisé une exposition au MAMCO, un musée d'art contemporain à Genève. Comme le note l'explication de l'exposition, Manon "a employé son corps et son image comme vecteurs et médias pour son travail, utilisant son apparence soigneusement mise en scène pour défier les notions d'intimité et de voyeurisme, de modestie et de pathos." Il semble que Madame Küng luttait déjà avec le puzzle cognitif d'être déchirée entre des forces contradictoires : le besoin d'être vue et celui de rester invisible, le désir d'être regardée et celui de se fondre dans la masse.
L'exposition était située à côté des archives du groupe Ecart. "Le groupe Ecart était un collectif d'artistes qui gérait un espace d'exposition, une maison d'édition et une librairie," a expliqué Elisabeth Jobin, une archiviste du MAMCO, à un groupe d'étudiants en visite. "La liste des membres du groupe Ecart comprend de nombreux artistes marginaux," ai-je remarqué à Mme Jobin. Elle a hésité un moment avant de me corriger diplomatiquement : "Eh bien, il est vrai que ces artistes étaient principalement indépendants." En effet, en regardant les photographies de Manon, on ne la décrirait jamais comme marginalisée, mais plutôt comme indépendante, dans tous les sens. Au contraire, son apparence et sa présentation personnelle exhalaient détermination, autorité, pouvoir et une subtile magie.
Cette magie — l'apparence de Manon, sa posture, et la manière dont elle était exposée, ainsi que la nature contrastée des photos et des documents — a contribué à l'effet global.
En réfléchissant davantage, le travail de Manon souligne une exploration profonde de l'identité et de l'apparence. Ses personnages soigneusement élaborés incitent le spectateur à considérer la fluidité et la complexité de l'identité. Sommes-nous simplement la somme de nos apparences, ou y a-t-il quelque chose de plus profond, de plus insaisissable, qui nous définit ? Les autoportraits de Manon, souvent théâtraux et provocants, brouillent les frontières entre réalité et performance, remettant en question l'authenticité de l'identité dans une société obsédée par les apparences.
Dans un certain nombre de cultures, l'acte de se raser la tête est un geste significatif, symbolisant une renonciation à la vanité et une quête de pureté spirituelle. Cette pratique est particulièrement répandue dans le bouddhisme, où les moines et les nonnes se rasent la tête en signe de leur engagement à une vie de simplicité et de détachement des désirs mondains. Cet acte de se raser la tête est également une pratique spirituelle pour combattre l'ego, afin de mieux comprendre que nous ne sommes pas définis par notre apparence. Cet acte d'enlever ses cheveux, souvent considéré comme un élément clé de l'apparence, est une déclaration puissante d'identité et d'intention. Il représente une dénudation des couches superficielles pour révéler un soi plus authentique.
Dans le contexte du travail de Manon, cette idée de se défaire des couches pour découvrir la véritable identité résonne profondément. Son art nous pousse à regarder au-delà de la surface, à remettre en question les constructions sociales de la beauté et de l'identité que nous tenons souvent pour acquises. En utilisant son corps comme toile, Manon nous invite à confronter nos propres perceptions et préjugés, à nous voir nous-mêmes et les autres sous un jour nouveau.
L'exploration de l'identité à travers l'apparence par Manon met également en lumière la tension entre individualité et conformité. Dans un monde où les médias sociaux et la culture des célébrités dictent les normes de beauté, la pression de se conformer peut être écrasante. Pourtant, il y a aussi un désir puissant d'affirmer son unicité, de se démarquer et d'être reconnu en tant qu'individu. Les débats autour de la représentation des femmes dans l'art classique, tels que ceux initiés par John Berger dans "Ways of Seeing", trouvent un écho dans l'œuvre de Manon. Les photos publiées dans les magazines comme Clit007, un magazine lesbien publié à Genève entre 1981 et 1986, illustrent ces discussions sur la manière dont les femmes sont perçues et représentées.
Le travail de Manon est un rappel poignant de la complexité de l'identité. Il nous encourage à embrasser nos contradictions, à remettre en question les rôles que nous jouons, et à trouver l'authenticité dans un monde qui valorise souvent l'apparence plutôt que la substance. Alors que nous naviguons sur nos propres chemins de découverte de soi, l'art de Manon nous sert de guide, illuminant la voie vers une compréhension plus profonde de qui nous sommes et de qui nous aspirons à être.